Lisez à votre enfant à propos du COVID-19
Tout me manque de l’école, même les deux heures de marche pour m’y rendre. Je passe mes journées à aider ma mère pendant que mes sœurs jouent. Rester occupée me fait oublier la faim. J’écoute mes cours à la radio quand mon père n’est pas à la maison.
Aujourd’hui, j’ai entendu mon père dire qu’il ne me laisserait peut-être pas retourner à l’école. Ma sœur aînée s’est mariée à douze ans. J’en ai onze et je rêve de devenir enseignante. Je dois retourner à l’école.
Je me fais du souci pour mes petites sœurs. J’ai peur pour moi-même.
Mon enseignante, Amina, vient chez moi avec deux hommes que je n’ai jamais vus. Ils apportent avec eux une boîte qui contient de la nourriture pour notre famille. Je crois qu’ils travaillent pour des organismes internationaux qui aident les gens.
Ma mère nous emmène à l’extérieur, mes sœurs et moi, pour aller chercher de l’eau. Elle nous dit : «Restons ici un moment; ils ont besoin de parler à votre père.» Ces trois personnes parlent à mon père pendant longtemps. Je me demande de quoi ils parlent.
Papa me prend à part pour me dire : «J’ai décidé que tu retournerais à l’école.» Il ajoute: «Est-ce que je peux te regarder enseigner les maths à tes sœurs?»
Je suis plutôt enthousiaste pendant que j’explique les merveilles des nombres à mes sœurs. Même papa et maman décident de participer.
Oui, je crois que je vais devenir enseignante. Découvrant en moi ce sentiment chaud et agréable, je mange ma part de chapati et je rêve à mon avenir.
On est tout le temps à la maison. Ce n’est pas facile. J’essaye de suivre «l’enseignement à distance», comme mon enseignant présente nos cours à l’ordinateur, mais parfois je me laisse distraire.
Nico et Felipe, mes deux petits frères jumeaux, pleurent beaucoup. Ça rend papa complètement fou. Il se met en colère et il s’en prend à maman en lui criant des bêtises. J’ai horreur de ça. Maman dit que papa est inquiet pour son entreprise. Elle essaye de me réconforter: «Tout va revenir à la normale et tout ira bien quand ce sera terminé.»
J’espère qu’elle a raison. Ma famille n’est plus la même qu’auparavant.
Le lendemain, je suis préoccupée quand mon grand-père appelle à la maison. J’ai peur qu’il entende Nico et Felipe pleurer et la grosse voix de papa en arrière plan. Papi demande: «Qu’est-ce qui ne va pas, Gaby?»
Je n’arrive pas à m’en empêcher; je lui dis que mes parents sont stressés et se disputent beaucoup. Les jumeaux pleurent sans arrêt. Je ne fais plus de pâtisserie avec mon père. L’odeur me manque. Ça me manque de marcher avec lui sous les Flamboyants bleus pendant que je partage mes histoires d’école et que je mange nos gâteaux tout juste sortis du four.
Grand-père dit: «Gaby, j’ai une idée pour ton projet de classe. Pourquoi ne raconterait- on pas comment se sont passés ces jours-ci pour toi? Je t’aiderai avec l’écriture et toi, tu feras les dessins.»
«Ton grand-père a téléphoné» dit maman. Elle me prend dans ses bras et murmure: «Ton père et moi, on adorerait entendre ton histoire.»
Je finis de la leur lire et ils restent assis en silence. Papa se penche vers maman et dit: «Je suis désolé» et la serre longuement dans ses bras. Il se tourne vers moi avec un large sourire aux lèvres. «Gaby, pourquoi ne ferait-on pas des gâteaux ?»
Alors que je chante et que je cuisine, je me sens à nouveau comme moi-même. Découvrant en moi ce sentiment chaud et agréable, je décide de partager mon histoire à mon enseignant et mes camarades de classe lors de la prochaine leçon.
Cela fait quelques semaines que nous avons commencé à avoir des cours à la maison. Mon enseignant s’est assuré que j’apporte mes livres et mes affaires chez moi, y compris mon violon, avant que l’école ferme. Cela a été difficile. Mamie a été très malade.
Je vois bien que mes parents sont inquiets. Je me fais du souci aussi. On ne peut pas parler ni rendre visite à mamie. J’ai du mal à exprimer mes sentiments et je ne veux pas embêter mes parents.
On vit dans un petit appartement, mais je me sens quand même très seul. Je ne suis pas moi-même.
On nous a téléphonés pour nous dire que mamie était partie. Comme ça, je n’ai pas pu lui dire au revoir.
Mme Rossi, la voisine d’à-côté, nous téléphone: «J’ai appris la nouvelle, Alessandro. Je suis vraiment désolée.» Je reste silencieux. Je ne sais pas quoi dire.
Mme Rossi continue: «N’oublie pas ton violon, Alessandro. Dans ces moments-là, tu peux t’exprimer à travers la musique.» Je bafouille un « Merci de m'avoir téléphoné » et je raccroche.
Je regarde mon violon pendant un long moment et je finis par le saisir. Alors que je joue et que les larmes coulent sur mes joues, je commence à ressentir un soulagement. Mes parents me regardent tout en souriant.
Mes parents me disent que mamie a toujours adoré m’entendre jouer de la musique et que je devrais sortir sur notre balcon et jouer pour les cieux.
Je sors tôt dans la soirée et je commence à jouer. À ma grande surprise, d’autres voisins sortent et jouent de leurs instruments et les gens se mettent à chanter.
Je me sens comme moi-même. Découvrant en moi ce sentiment chaud et agréable, j’espère que mamie puisse entendre ma musique.